leçons
(1)
leçon d’écriture
quand aurais-je pensé
que je me serai copieusement tu
en plusieurs langues
quand aurais-je conçu
les maintes couleurs de l’eau brisée
de la brise froide
de la neige négligente
sous la peau des mots minuscules
que je n’oserai jamais concevoir
quand aurais-je désiré
les nombreux silences
que je n’aurai jamais réussi à engendrer
au Silence primordial
qui m’ordonne depuis toujours :
tais-toi, tais-toi, tais-toi
(2)
leçon d’herméneutique
le crapaud, le pingouin, la tortue marine
les animaux qui ont dit a Noé :
quel besoin aurions-nous de ton aide
nous, qui sommes restés proches de l’eau
qui ne l’avons pas trahit pour la terre sèche
qui ne sommes pas devenus amoureux
de l’aridité des déserts
les ordres que tu as reçu
ne nous concernent pas
ta vie ne nous concerne plus
c’est à toi d’obéir tes lettres, tes livres
l’issue des lèvres de tes lois solides
hors de ton bateau, hors de ta haine
notre mère nous bercera de son liquide haleine
(3)
leçon de méthodologie
l’existence d’une vie ne se laisse pas
trouver par la méthode qu’on emploie
pour la décrire
l’essence d’une vie n’est pas endormie
sous les mots que l’on peut créer
pour la définir
le sens d’une vie ne découle pas
des arguments que l’on déduit
pour l’expliquer
la fin d’une vie ne s’arrête pas
en raison des raisons élégantes
avec lesquelles on la commente
on décrit, on définit, on explique, on commente
on pense à tout, on s’occupe de tout
on fait tout, on ne sait rien
la vérité d’une vie n’existe pas :
être vivant, ce n’est pas être vrai
(4)
leçon de grammaire
soyez gentils, je vous en prie, avec mes torts
ne châtiez pas, je vous supplie, mes bêtes fautes
elles ne vous touchent pas, elles me font perdre tout
elles ne sont que des méfaits mort-nés d’un mort
pardonnez mes erreurs : elles ne sont pas sincères
elles ne sont que des fantômes
des désirs anéantis d’un homme
si pauvre qu’il n’est pas vêtu
si invisible
qu’il ne pourrait pas être nu